mercredi 15 février 2017

Pourquoi est-ce parfois si douloureux d'être en vie ?

(petit texte écrit il y a quatre ans jour pour jour, le 16 février 2013)

J'ai mal. Mon dos ressemble à un puzzle — une représentation du Cri d'Edward Munch — dont les pièces ont été assemblées n'importe comment, ici le ciel aux vagues flamboyantes, là la mer aux nuages mordorés, et, dans le cri, dans cette bouche béante qui fuit — quoi ? — la douleur plante ses racines. Parce que la douleur se nourrit du vide et de l'obscurité.
Je marche. J'ai mal, mais je marche. Lentement. A chacun de mes pas, des petits os font « crrr », à chaque « crrr », mon corps tire la gueule. Tant pis. Heureusement, la lumière est belle, comme un rêve qui étalerait ses couleurs sur le ciel lisse, sur les rues sales, sur les immeubles bruyants ; elle m'attire jusqu'au Vieux Port où la mer, huileuse et plate, certes, mais la mer tout de même, m'accueille les bras lourds de souvenirs. Ou de non-souvenirs, puisque Marseille, cette ville où j'ai passé les plus nombreuses années de ma vie (les plus belles?), contrairement à tant de ports de part le monde, est le seul port dans lequel je ne suis jamais arrivée. Il y a des années, un voilier y a accosté, sans moi, sans nous (le « nous » se reconnaîtra, avec ou sans regret) et je n'étais — nous n'étions — même pas là pour le voir, glorieux, après sa longue remontée de la côté africaine, sa traversée de la Méditerranée, ses longues nuits de solitude à attendre que le jour se lève, ses longues journées de vide à attendre que la nuit tombe. Et j'en pleurerais presque.
C'est fou ce qu'une douleur aux lombaires (sciatique?) ne remue pas que les os. C'est fou ce que la mer, huileuse et plate, les mats qui tanguent et les coques qui se cognent les unes contre les autres, les musiciens qui soufflent dans leurs cuivres devant des passants intrigués (touristes, marseillais, vieux, enfants, mais leur émerveillement — le mien — n'a pas plus de cinq ans) n'évoquent pas que le moment présent. Mais aussi des moments passés, révolus. Une histoire, qui peut-être, n'a jamais existé. Peut-être, finalement, que j'ai tout inventé. Je ne sais pas. Je ne sais plus.
Ce ne sont pas les anti-inflammatoires qui parlent, non. Ni les divagations mélancoliques ni les frissons à fleur d'âme ne sont mentionnés dans les effets secondaires.


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